Point de départ et propos

Au IXe siècle, la riche tradition arabe de l’adab parvient en Espagne, dans la zone d’al-Andalus, plaque tournante où s’échangent les savoirs venus d’Orient. Ils passent aux royaumes chrétiens du Nord de la Péninsule grâce au rôle de relais et de transmission pour l’Occident que jouent, dès le XIe siècle, les centres monacaux. L’adab rencontre en al-Andalus la tradition sapientielle juive de la littérature midrashique. De nouveaux recueils sont composés, des œuvres originales sont produites aux Xe et XIe siècles et, à partir du début du XIIe siècle, les recueils d’exempla, de sagesse et de dits des philosophes sont traduits en hébreu, en latin, en langues romanes. De nouvelles compilations se créent pour servir la prédication chrétienne, incluant des proverbes populaires, des maximes et sentences tirées d’auteurs latins et grecs, de philosophes, de la patristique et des morales d’exempla. Les textes appartenant à la tradition sapientielle sont traduits en hébreu en Provence dès le XIIe siècle et en latin en terre chrétienne. Les proverbiers arabes de la Péninsule mêlent les proverbes classiques et les recueils dialectaux andalous. Cet héritage complexe se retrouve en bonne part dans l’immense littérature parémiologique espagnole qui s’épanouit aux XVIe et XVIIe siècles et dans les proverbiers espagnols, judéo-espagnols et maghrébins contemporains. Jusqu’à présent, ces énoncés sapientiels brefs qui s’échangent n’ont pas fait l’objet d’une étude d’ensemble qui retrace leur circulation à travers les différentes langues (savantes et vernaculaires) de la Péninsule ibérique, qui reconstruise les cheminements des textes et des traductions, les transformations des unités sapientielles qui en résultent, et qui rende compte, enfin, de leurs sources et de leur postérité.